Mais ce qu'il faut comprendre, c'est que pour les Français, râler, ce n’est pas seulement se plaindre : c’est exprimer son opinion, c'est montrer qu’on pense par soi-même et qu'on a une personnalité, bref, c'est exister aux yeux des autres.
Bien sûr, il y a dans la râlerie une forme de vitalité démocratique : cela montre que tout peut être discuté, remis en question et débattu. Ce goût du débat est d'ailleurs typiquement français. En râlant et en exprimant leurs désaccords, c'est un peu comme si les Français cherchaient à se distinguer, affirmer leur individualité et revendiquer leur liberté de penser. Et c'est souvent un jeu à double tranchant, car si cela peut conduire certains à briller en société, cela peut aussi en conduire d'autres à se ridiculiser en public.
Car critiquer, c'est bien, mais avec des idées, c'est mieux. La râlerie est enfin et surtout un acte social. Partager une frustration, se plaindre, critiquer quelque chose (ou quelqu'un !) avec un inconnu crée du lien et un sentiment d’unité et d'union face à l’adversité, l'absurdité ou l'injustice. Bref, les râleries font partie intégrante des "small talks" à la française. Et quand les Français en ont marre, lorsqu'ils ont fini de râler, ils relativisent volontiers les problèmes et concluent avec philosophie : "Enfin bon, que veux-tu, c’est comme ça…"